mercredi 4 novembre 2009

Sufjan : King of the Railroad

Je ne vous raconterai pas toute l'histoire - un peu mégalomane mais on commence à avoir l'habitude avec Sufjan - de sa dernière création : une "ode" au Brooklyn Queens Expressway (une autoroute qui a tout l'air d'une catastrophe architecturale), et...au hula-hop ! S'il y en avait encore pour penser que cet homme se prend au sérieux, leurs certitudes devraient définitivement s'effondrer.

Ce qu'il est important de préciser par contre pour mieux contextualiser cette œuvre, c'est de rappeler qu'il s'agissait à l'origine d'un spectacle, présenté il y a plus de 2 ans, qui mélangeait un film conceptuel sur le BQE (sur un écran en triptyque), la musique de Sufjan et son orchestre, ainsi que des "performances" de hula-hop. Comme il l'a déjà fait par le passé (le Christmas box, les chutes d'Illinoise), Stevens n'a pu s'empêcher de sortir également une version "album" de son travail. Certains lui reprocheront sans doute de nouveau d'en faire trop (est-ce que tout est toujours bon à entendre ? Ne devrait-il pas faire le tri dans ses sorties ?), les autres, qui se délectent de toute nouvelle note sufjanienne, lui en sauront gré.

Alors comment appréhender cette dernière livraison ? On peut l'envisager, comme l'a fait Marc, par la musique seule. Toute la question est de savoir si celle-ci fonctionne sans son pendant visuel : j'aurais tendance à répondre par l'affirmative même si on n'a bien sûr pas affaire ici à la suite tant attendue d'Illinoise. On n'est cependant pas complétement dépaysé vu que les ambitions classiques et les arrangements osés de Sufjan nous étaient déjà connus, bien que cantonnés jusqu'ici à un format pop. Ici il met ses talents au service d'une mini-symphonie qui incorpore des éléments de musique classique, jazz et électronique : il revendique d'ailleurs des influences aussi diverses que George Gershwin, Terry Riley, Charles Ives ou encore Autechre. Sur papier, tout cela semble un peu improbable mais Sufjan s'en sort avec brio, surtout si l'on considère cette musique pour ce qu'elle est en fin de compte : une bande originale qui accompagne le film sur cette maudite autoroute, et qu'il a lui-même réalisé.

Ce n'est donc pas pour rien que Sufjan a inclus avec cette sortie le DVD du BQE, qui (dé)montre bien en quoi ce tronçon, qui relie le quartier du Queens à Brooklyn, est réellement une horreur. On comprend dès lors mieux où il veut en venir et en quoi la musique décrit de manière convaincante ce que peuvent ressentir ses usagers (c'est d'ailleurs assez oppressant par moments). Vu qu'il s'agit d'une œuvre purement formelle, je ne suis pas certain de revenir souvent sur cette réalisation mais il faut bien admettre que le film et la musique forment un tout extrêmement cohérent. Un bémol toutefois : la métaphore du hula-hop (qui renvoie à la roue, aux véhicules qui semblent "tourner en rond",...) n'a pas réellement pu être incorporée dans le film. Si lors des représentations l'interaction avec les "Hooper Heroes" (c'est leur nom) devait constituer un plus, elles n'apparaissent presque jamais dans le DVD, contrairement à ce que l'on pourrait croire en regardant le trailer.

Finalement, l'objectif que l'on soupçonne et qui est de vouloir recréer la performance artistique de 2007 ne peut évidemment pas remplacer l'expérience de l'avoir vécue "en vrai". En effet on aurait bien sûr voulu être là pour entendre en live l'orchestre de 25 musiciens, s'étonner de la performance des "danseuses", admirer les costumes et expérimenter le film sur écran géant. A défaut on se contentera de l'objet proposé par Sufjan à qui on ne peut pas reprocher d'avoir fait les choses à moitié : il suffit de voir le packaging, qui réussit à transmettre assez fidèlement l'expérience du BQE dans toute sa laideur (renforcée encore par des lettrages complétement hideux). Celui-ci inclut également un disque avec des images 3D des Hooper Heroes (à défaut de pouvoir avoir les vraies?) mais que je n'ai pas encore pu expérimenter. A noter aussi qu'un livre est annoncé pour bientôt.

Un extrait offert par Asthmatic Kitty, où vous pouvez aussi commander l'objet et ses dérivés :

Sufjan Stevens - Movement VI : Isorhythmic Night Dance with Interchanges

Et deux titres bonus qui clôturent le DVD (dont un morceau inédit chanté par Sufjan!) chez Erwan.

3 commentaires:

  1. Très belle chronique msieur Leroy.
    Musicalement, le disque me plait beaucoup. Une des oeuvres les plus abouties du bonhomme.
    Mais je n'ai pas encore vu le dvd. Donc j'attends afin de me prononcer.
    Le packaging du CD/DVD est en tout cas très réussi. Un peu cher mais réussi.

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  2. Je crois que je l'ai acheté à 16€90, ca va encore vu qu'il y a 1 DVD, plein de photos, un texte de Sufjan...Je trouve aussi qu'on sent qu'il y a un sacré boulot derrière tout ça mais je ne sais pas s'il y a vraiment un public pour ce genre de chose (sans compter les fans de Sufjan bien entendu...)

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